Ces quelques lignes empruntées à la première page du livre d’Yves Bonnefoy : L’Arrière-pays, qui en constituent le tout début, me hantent depuis le jour où je les ai lues : « J’ai souvent éprouvé un sentiment d’inquiétude, à des carrefours. Il me semble dans ces moments qu’en ce lieu ou presque : là, à deux pas sur la voie que je n’ai pas prise et dont déjà je m’éloigne, oui, c’est là que s’ouvrait un pays d’essence plus haute, où j’aurais pu aller vivre et que désormais j’ai perdu ».

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     Le moment et le lieu, le carrefour. Des indications suffisantes, ce me semble, une carte aux trésors, pour que nombre d’entre nous (j’en reste convaincu) soient partis à la recherche de cet arrière-pays. Une contrée d’éblouissement sertie dans une durée palpable. Des parages embaumés par les fruits d’un désir sans nom. Une province pressentie non comme le paysage d’un rêve, évadé de quelque asile de notre pensée, mais comme l’exigence véhémente de la beauté absolue.

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     L’avons-nous cherché tout au long des ans, sans en avoir entr’aperçu ne serait-ce que sa lisière de mirage !

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     L’arrière-pays n’existe pas.

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     Je me console en me persuadant avoir flairé, une nuit d’été, l’écho estompé de sa présence incertaine.

     

Extrait.

 

"Ils se sont regroupés sur l’embarcadère sans savoir

Ni pouvoir connaître le pourquoi de cette nécessité

Le soleil est encore haut et brûle les têtes sur le quai

L’ombre de l’heure avancée a suffi peut-être

A les décider et ne pas avouer leur peur irraisonnée

De gagner l’autre rive qui émerge

Dans une pâleur tremblante de mirage

L’eau ici se retire à peine jamais n’affecte le chenal

Cela n’est plus le fleuve mais pas encore la mer

Les courants mêlés ont traversé le sel comme la rosée

Croisé les berges bleuies par l’ombre des haies

L’éventail du flux nacré par l’écume des nuages

Le bateau franchit la passe inversant le charme

Imposant un autre quai inabouti mais qu’importe

Ils se sont égayés sur le débarcadère sans savoir

Ni vouloir connaître l’heure de l’ultime traversée"

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L'arrière-pays n'existe pas, poésie

éditions Encres Vives, décembre 2018

ISSN: 0013-7103 / ISBN: 8550

plaquette: 16 pages

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