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L'Élégance de l'oubli, de Gérard Le Goff

Éd. Encres Vives, coll. Encres blanches, 16 p., Colomiers,

ISSN 1625-8630, ISBN 2-8550, nov. 2020

Recension par Claude Luezior

 

Chronique parue dans les revues Couleurs Poésie le 8 mars 2021 et Le salon littéraire le 16 mars 2021.

 

     Avec la candeur de l'orpailleur sur le point de séparer le sable de l'or, Gérard Le Goff fouille, dans sa mémoire et  quelques albums de photographies sépia, ses souvenirs de famille et d'enfance, éprouvant la déférence que l'on porte aux tables sacrées. Cheminement au gré d'archives rendues presque secrètes par le passage du temps et la rencontre, à la manière d'une madeleine de Proust, dans le prisme puissant d'un vécu subjectif et enchanteur.

     Sans emphase et avec une pudeur toute bretonne, Gérard Le Goff nous confie les clés de mon (son) enfance, comme l'écrit en toute simplicité René Guy Cadou qui est cité au tout début de cet opuscule. Lequel, sans prétention, amadoue rapidement notre rétine.

    L'auteur se passionne pour l'épaisseur humaine, l'infime détail, la jungle du rêve, les personnages telle son aînée :

Que virent ses yeux gris, de la bonté ?

Sinon celle des bêtes

Qui flairaient l'indulgence des fleurs.

Ce, dans un écrin :

Au bord d'un village, agrippé autour de sa croix,

Fait de maisons en glèbe et roc,

Qu'un unique carrefour écartelait.

     Car il faut de suite mentionner que cette prose, au demeurant savoureuse, est entrecoupée de superbes poèmes, ce qui donne à l'ensemble légèreté mais aussi profondeur d'âme :

Mère, que crains-tu ?

La cécité du cœur.

Mère, qu'aimes-tu ?

Que l'on m'aime un peu.

Mère, où vas-tu ?

Juste à côté du silence.

       Ainsi s'égrainent des pages précieuses, trop peu de pages, il est vrai. Sachant que ce qui est écrit a, finalement, moins d'importance que la manière dont c'est décrit. À l'instar d'un tableau de van Gogh : ce qui compte, ce n'est pas le semeur mais bien la façon, sur plusieurs toiles successives, avec laquelle il est traité. L'atmosphère de cette enfance modeste, si riche en interactions humaines du chroniqueur mais surtout du poète Le Goff, nous fait penser au Château de ma mère de Marcel Pagnol. Les forgerons des mots Louis Delorme, Jean Desmeuzes ainsi que le prosateur, peintre et sculpteur Henri Vincenot, tous viscéralement attachés à la terre, ne sont pas loin...

     Hélas, ces territoires sacrés sont peu à peu saccagés, non seulement par les années mais aussi et surtout par une modernité qui se pourlèche de béton et de profits :

Ils se sont acharnés sur le moindre recoin de mes territoires de songes (...)

La mémoire s'estompe

Dans une buée

Qui s'efface gris à gris

 (...)

Sous mes paupières closes

Glissent les bois flottés des heures

Et l'auteur quelque peu désabusé de dessiner sur la page, pour solde de tout compte :

 L'esquisse d'un sourire valant promesse.

En vérité, comme le dit le titre de cet opuscule, l'oubli qui infiltre et magnifie la mémoire telle une encre au cœur du  buvard, n'est pas nécessairement triste: il lui donne de l'élégance. C'est la manière de voir du philosophe et du poète.

 

                                                 Claude Luezior    

 

Claude Luezior, médecin spécialiste en neurologie, est un écrivain suisse-romand: poète, romancier et essayiste. Il a été lauréat d'un prix de poésie de l'Académie française en 2001 et fait chevalier de l'Ordre des Arts et Lettres en 2002.

L'Élégance de l'oubli, de Gérard Le Goff

Éd. Encres Vives, coll. Encres blanches, 16 p., Colomiers,

ISSN 1625-8630, ISBN 2-8550, nov. 2020

Recension par Miguel Angel Real

 

Chronique parue dans la revue Recours au poème le 20 mai 2021.

 

     Ce voyage dans le temps commence en feuilletant un album de photographies, ou en retrouvant dans une boîte à biscuits en métal peint des images du passé. D’emblée, ces gestes quotidiens sont sublimés, puisqu’on adopte « la candeur inquiète de l’orpailleur sur le point de séparer le sable de l’or ».

     Se dresse alors un portrait de famille, à travers des textes en prose et des poèmes qui parlent des parents et grands-parents de l’auteur. Les souvenirs se confondent parfois avec les rêves d’un enfant qui joue dans des paysages qui deviennent « une jungle de haut sainfoin, d’où jaillissaient des constellations de papillons ». Dans cette famille humble, le train miniature que le père, marin, ramène de New York devient « un morceau d’Amérique ». On retrouve aussi le plaisir des jeux d’un âge innocent, où l’on dresse face aux marées des barrages de sable, dans l’espoir de faire face au temps et à la réalité.

     Une nostalgie douce enveloppe le récit, qui se termine quand l’auteur entre au lycée et sent que l’enfance venait de s’achever. Il voit alors comment le temps s’accélère, et assiste aux transformations de son environnement ‑immeubles construits, routes inutiles - pour affirmer : « Ils se sont acharnés sur le moindre recoin de mes territoires de songes ».

     Le style tendre et lumineux de l’auteur reflète parfois l’histoire familiale à travers des objets hérités, comme une médaille de guerre, pour en garder une mémoire étonnée. Il ne s’agit surtout pas de réécrire le passé, mais de nous montrer où se trouve « l’élégance de l’oubli » à laquelle fait allusion le titre de l’œuvre, afin de mieux nous expliquer comment on façonne les souvenirs.

Miguel Angel Real

 

Né en 1965, Miguel Angel Real, est agrégé d’espagnol et enseigne au Lycée de Cornouaille à Quimper. En tant qu’auteur, ses poèmes ont été publiés dans plusieurs revues en Espagne et en Amérique latine. Les revues françaises Le Capital des mots, Festival permanent des mots, Lichen, La Terrasse et Revue méninge ont également fait paraître certains de ses poèmes en français ou traduits de l’espagnol. Les éditions En Huida ont édité, en avril 2019, le recueil Zoologías. Il fait partie du comité de rédaction de la revue poétique espagnole Crátera.

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