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Cet ouvrage ne constitue pas une anthologie. Je laisse ce soin aux lettrés. Il s’agit tout au plus d’hommages. Hommages personnalisés, certes, mais que j’ose croire sincères. […]

Quelques uns des écrivains évoqués dans ce livre œuvrèrent au XIXème siècle, les autres au XXème siècle. Tous disparus car je ne souhaite pas déranger les vivants, sachant toutefois combien la parole des morts nous permet si souvent d’exister.

 

Guillaume APOLLINAIRE - Louis ARAGON - Antonin ARTAUD - Charles BAUDELAIRE - Aloysius BERTRAND - Yves BONNEFOY - Joë BOUSQUET - André BRETON - René Guy CADOU - Blaise CENDRARS - René CHAR - Andrée CHEDID - Tristan CORBIERE - Charles CROS - Robert DESNOS - Isidore DUCASSE - Paul ELUARD - Jean FOLLAIN - Maurice FOMBEURE - Louis-René des FORETS - Théophile GAUTIER - Julien GRACQ - Xavier GRALL - Eugène GUILLEVIC - André HARDELLET - Victor HUGO - Philippe JACCOTTET - Max JACOB - Francis JAMMES - Pierre Jean JOUVE - Jules LAFORGUE - Patrice de la TOUR du PIN - Valéry LARBAUD - Charles LECONTE de LISLE - Stéphane MALLARME - Henri MICHAUX - Alfred de MUSSET - Gérard de NERVAL - Anna de NOAILLES - Georges PEREC - Benjamin PERET - Georges PERROS - Jean-Claude PIROTTE - Francis PONGE - Jacques PREVERT - Raymond QUENEAU - Henri de REGNIER - Pierre REVERDY - Arthur RIMBAUD - SAINT-POL-ROUX - Jules SUPERVIELLE - Jean TARDIEU - Paul-Jean TOULET - Tristan TZARA - Angèle VANNIER - Emile VERHAEREN - Paul VERLAINE - Boris VIAN

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Extrait:

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LOUIS-RENE DES FORETS (1916-2000)

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La communion solennelle

 

Talonné au juste par quoi ?

Par rien,

mais ce rien est tout-puissant.

 

Louis-René Des Forêts, Ostinato

 

     Semé dans ce rang de pèlerins juvéniles dont les silhouettes se profilent en tracés inachevés d’ombres dansantes sur les murailles de la si vieille ville, orant malhabile sacrifié à la tradition qui tremble d’effroi sous les pans de sa vaste robe blanche, le cou engourdi par le poids d’une croix de bois, il piétine de ses chaussures vernies, dont le talon le blesse, l’offrande florale versée au long des rues comme on l’eut fait de balises célestes, le sourire appliqué, empreint de la gravité exemplaire d’un saint peinturluré sur une image pieuse ; et les chants profonds s’évadent à l’unisson des gorges des adultes comme des enfants, accompagnent la procession jusqu’à l’église dont la nef clignote de cierges allumés et d’ors vacillant, que semble veiller sous son dais de pourpre à franges Monseigneur l’évêque, vieillard blafard, coiffé d’une tiare étincelante, qui trémule quelque incantation dans une langue morte, tandis que l’encens s’élève en ondes hasardeuses sous la voûte comme la brume du soir se grise au-dessus des étangs.

     Il tente de se convaincre que ce rite de passage lui est nécessaire, qu’il lui faut abandonner son enfance, comme les autres, mais il ne peut s’empêcher de songer aux fuites éperdues sur la grève, aux chemins creusés dans la chair tiède de la forêt. En lui monte soudain une allégresse de fou, son cœur bat une chamade de flux, de mascaret, qui presque l’effare par son tumulte et par son rythme endiablé, qu’il sait désaccorder les cantiques séniles et renier les offrandes mensongères, désavouer les génuflexions indignes, et tout ce que l’oblige à mimer ce cortège si humble qu’il ploie désormais comme un seul homme sous la sujétion de statues moisies.

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