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Gérard Le Goff : La cité chimérique, Encres Vives, Collection Encres Blanches, janv. 2022, 16 p. Ce numéro d'Encres Blanches n'est, pour finir, et quoique retenu par le regretté Michel Cosem, jamais paru en janvier 2022. Il n'existe donc aucun numéro dans la série attribué à ce titre. Claude Luezior a rédigé la présente chronique à partir d'une épreuve que je lui ai transmise. Je pense intégrer cette nouvelle dans un prochain recueil. A suivre...

 

     La cité chimérique est une nouvelle commise par une plume trempée dans un style hors du commun, fait de précision, d'images, de rythmes. Preuve, s'il en fallait encore, que la poésie peut se terrer dans la prose...  Parfois, la ville ouvre ses portes sur la limpidité de l'évidence. Sans un bruit. Parfois, elle les maintient closes sur l'oubli. Je sais qu'elles ont toujours été là, dans le reste de ces jours qui sable mes paupières, dans le peu de ces nuits qui s'égoutte au fond de mes yeux. Il m'appartient de vérifier leur disponibilité. La phrase est taillée au couteau. Elle annonce un cauchemar...

     Peu à peu, nous avons l'impression d'être dans une toile de Dali. La peinture est extrêmement bien dessinée mais thèmes et personnages s'entrelacent, se bousculent, se fondent dans une cité mystérieuse puis dans une jungle. Zeste d'érotisme pour évoquer des sirènes égarées. Décrits avec une sorte de froideur chirurgicale, des peuples étranges tel celui des Financiers, prennent vie dans des décors byzantins plus vrais que nature. L'observateur passe d'un palais à une cathédrale, d'une échoppe à une rue insensée. On se croirait dans une Venise ourdissant ses complots, mais ce n'est pas Venise. Ou dans Londres égrainant ses venelles prêtes à un crime, ou dans Paris affûtant ses lumières ou dans Amsterdam chuchotant entre deux canaux. Mais nous ne sommes ni à Londres, ni à Paris, ni à Amsterdam...

     On entre dans un magasin étrange, sorte de cabinet des curiosités. Une fois, le négociant m'a conseillé d'acquérir, sans sourciller : une mèche de cheveux de Yul Brynner, le prépuce d'Albert Einstein, le glaive de Saint-Paul, un grain de beauté de Marilyn ainsi que l'intégrale de la correspondance entre Adolf Hitler et le Mahatma Gandhi. Humour grinçant, déjanté.

     Le propos se veut presque journalistique, d'allure réelle, porté par un locuteur (le "je" omniprésent) dont le langage châtié, parfaitement correct, est parsemé de mots rares : aventurine, tavelé d'étoiles, turquin, céladon... Les descriptions acérées ramènent le lecteur à une pseudo-réalité qui donne à l'ensemble une allure surréaliste à la René Magritte ou à la Max Ernst.

     En un mot, cette nouvelle surprenante me fait penser à l'adage : "nous avons tous fait l'expérience de la folie, c'est celle des rêves"... Encore faut-il le talent et la plume de Gérard Le Goff pour l'exprimer de manière aussi éclatante et chimérique.

© Claude Luezior avril 2022

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